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La cour d’Emma

Dans notre dernière publication, nous avons souhaité faire entrer les lecteurs dans la cour des enfants. Des enseignantes ont pris la plume et se sont mises dans les souliers d’élèves fictifs pour raconter leur arrivée, leurs expériences et leur vision de leur cour d’école. Véronique D’Anjou nous fait découvrir la cour d’Emma, une cour intérieure, dans un quartier urbain dense, au printemps.

Pour accéder à la publication Penser la cour de demain, cliquez ici.

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« Oh ! Un nouveau livre sur les animaux aquatiques. Génial ! Je reviendrai avec maman ce soir. » Je scrute les nouveautés dans la vitrine de la librairie. J’habite le triplex à côté. Juste au-dessus du meilleur restaurant de soupes phôs. Je suis chanceuse ! Il y a toujours des parfums de coriandre et de citronnelle qui flottent dans ma maison. Au moment où je me demandais combien de temps un léopard de mer pouvait retenir sa respiration sous l’eau, Marisa arrive. Enfin ! « Tu as ma collation, Emma ? », m’a demandé mon amie. Je déplie le papier et lui présente les deux bánh bò que madame Bui nous a offerts quand j’attendais devant son restaurant : un vert et un rose. « La première arrivée au banc choisit le sien. » Le banc, on sait c’est lequel. C’est notre préféré. Le turquoise en bois au début de la rue-école. 1, 2, 3… C’est parti !

Je décolle comme une fusée. J’entends le vent siffler dans mes oreilles. Il est doux. Je cours vite ! Je m’efforce de ne frapper personne en me faufilant à contresens des élèves qui s’en retournent à la polyvalente. J’entends mon nom au loin. C’est Gustave, un ami de mon grand frère, qui me salue. Je lève la main seulement. Pas le temps de m’arrêter. Flic ! Flac ! Squish ! Squish ! Je saute dans les flaques d’eau laissées par l’averse de ce matin. J’ai les pieds mouillés. En arrivant à l’école, je mettrai mes bas de rechange laissés dans mon casier pour la classe extérieure. D’ailleurs, demain nous sortirons tout l’après-midi avec mon enseignante pour essayer les bateaux que nous avons construits en science.

Marcher, courir, sauter, imaginer

Je continue. Mon cœur bat dans mes tempes. Les rayons sont plus chauds que ce matin. Je détache mon imperméable sans ralentir. Je sais que j’arrive mieux à me déposer sur une chaise et à utiliser l’énergie de ma tête après avoir exploité celle de mon corps. Je cours. Je vois tout. Les bourgeons sur les branches de Boris (notre érable préféré à Marisa et moi), une abeille en plein vol, des amas de neige qui survivent, le magnolia en fleurs des Brodeur et les marches du parvis de l’église avec tous ses pigeons. Je me la joue Rocky en les montant à toute allure. Je redescends sur la rampe, je saute par-dessus les craques-serpents de l’asphalte et je débouche sur la rue-école en même temps que Liam avec sa trottinette. Je dépasse Flora, qui joue à la corde à danser, et je touche le banc. « Gagné !! »

Nature et bienveillance

En attendant Marisa, qui tire de la patte, j’admire les tulipes qui ont éclos dans les bacs. Ce sont les élèves de notre classe qui ont planté les bulbes à l’automne. Tiens, 1,2 mm de pluie dans notre pluviomètre. Je le note dans ma tête. « Je prends le vert ! » Marisa hoche la tête en essayant de reprendre son souffle. Je lui tends son bánh bò rose et un cloche-pied. Nous sommes les reines de cette rue !

Je me sens importante quand la rue m’est réservée ! Ma rue-école, c’est une œuvre d’art. Partout, à la craie, on y voit des tortues géantes, des colimaçons infinis et des parties de tictactoe. En plus, on va se le dire, c’est le meilleur endroit pour sauter à la corde et pour courir. D’ailleurs, on y a fait la course aux adjectifs la semaine passée avec ma classe. À la récréation, Liam et moi allons pratiquer nos sauts en trottinette sur les buttes. Celles de l’école roulent vraiment vite en plus ! On a fait un tas de feuilles hier pour amortir les atterrissages abrupts. Au moment où les roues quittent le sol, je me sens comme un oiseau et je deviens invincible.

La cour comme un champ de suçons géants

Ici, c’est mon coin chouchou. Cette cour est au centre de tout, au centre de l’action. Quand je me couche sur le dos avec Marisa et Philémon, sous la canopée, on a l’impression d’être des fourmis dans un champ de suçons géants qui s’élèvent vers le ciel : érables-cerises, bouleaux-citrons et chênes-caramel nous entourent. C’est dans cette cour que mes amis et moi nous donnons rendez-vous pour commencer de nouvelles aventures : construire une vie parallèle de sable, courir jusqu’à ce qu’on se croie aux tropiques, se cacher, espionner, etc.

Une cour pour toutes les saisons

Voici la façade de mon école. C’est aussi là qu’on se rassemble avec mon groupe avant de partir faire l’école dehors. C’est l’endroit parfait : à l’ombre en temps de grande chaleur, couvert lorsqu’il pleut et sur un sol dégagé en hiver. Pendant que mon enseignante prend le matériel avec quelques élèves dans les espaces de rangement, on se rejoint en équipes près des colonnes pour élaborer nos différents plans de match. C’est comme un coin cocon avant de partir à l’aventure.