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La cour de William

Dans notre dernière publication, nous avons souhaité faire entrer les lecteurs dans la cour des enfants. Des enseignantes ont pris la plume et se sont mises dans les souliers d’élèves fictifs pour raconter leur arrivée, leurs expériences et leur vision de leur cour d’école. Catherine Lapointe nous fait découvrir la cour de William, une cour fragmentée, dans une banlieue, en hiver.

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Ce matin, il a neigé. Beaucoup neigé même. Tellement que les déneigeurs n’ont pas eu le temps de passer dans ma rue aux maisons tout alignées. Moi, ça ne me dérange pas, la neige. Il n’y a que papa qui semble ne pas trop aimer ça. Il soupire souvent en regardant les tempêtes annoncées sur son téléphone.

Quand je suis sorti de chez moi après le diner, il y avait encore plein d’autos cachées sous la neige. Moi aussi, j’aime me cacher dans la neige. Surtout faire des batailles de boules de neige avec mon ami Henri. Sur le chemin qui mène à l’école, j’aime ramasser la neige et la lancer le plus loin possible. Ça me rappelle que la saison du baseball va reprendre un jour dans le quartier. Je suis lanceur. En attendant, je suis William, le lanceur de boules de neige qui marche. Et qui court. J’adore courir pour retourner à l’école et taper dans la main de monsieur Roland, le brigadier. Mais, aujourd’hui, la neige laisse des obstacles comme dans un jeu vidéo. Alors je saute les monticules pour traverser la rue sur le passage piétonnier qui mène dans le boisé près de l’école.

La cour cachée dans le boisé

J’adore ce boisé. Ce n’est pas juste un boisé ordinaire, c’est une école cachée. Ma classe et moi, nous avons bâti un tipi avec des branches mortes. C’est un abri pour lire quand on fait la classe extérieure. C’est un abri pour les tamias rayés aussi. Je me demande ce qu’ils aiment lire, les tamias ? Les gens qui passent en fat bike sur la piste cyclable près du boisé ne se doutent pas de tout ce qui se cache là. Ils sont trop pressés de toute façon. Habituellement, j’aime faire un détour pour aller voir si des mésanges à tête noire ou des cardinaux mangent dans les mangeoires naturelles que nous avons installées. Des fois, je ramasse des cocottes de pin et je les cache dans ma poche en criant « merci forêt » ou je prends une branche et je donne des coups d’épée dans les flocons de neige ! J’aime aussi prendre des branches de cèdre dans ma main et sentir l’odeur. C’est comme avaler une bouffée de forêt en une seule respiration. C’est mon enseignante, madame Daphnée, qui m’a tout appris ça. Daphnée, ça rime avec boisé. Mais ce midi, j’ai perdu un peu trop de temps. Je sais que nous y retournerons avec ma classe cet après-midi pour travailler les mesures en équipe. J’ai déjà repéré le plus grand chêne de la forêt. C’est facile l’hiver de le reconnaitre, car il abrite plusieurs nids d’écureuils. C’est facile de reconnaitre plein de choses quand on habite l’école de la forêt.

Vite ! Je dois courir, j’entends la cloche. Mode turbo, William ! Du chemin du boisé, j’arrive comme un faucon pèlerin directement sur la cour d’école en tenant dans ma main un trésor du boisé. Je vois Henri qui sort de son fort de neige en forme de bateau. J’ai hâte de lui montrer ma samare et de lui donner la sienne. Ensemble, on pourra les faire voler. Comme deux faucons pèlerins.

La carte aux trésors

C’est ici que j’aime arriver. Parce qu’ici, c’est la liberté. Il suffit de suivre les pas dans la neige. C’est comme une carte aux trésors. Certaines traces nous mènent à la piste d’hébertisme. Les plus grandes championnes s’entrainent ici tous les jours, vous savez. D’autres pas nous guident vers la cour dégagée.

Ici, j’aime courir avec Henri à travers les châteaux de neige, les nids géants de ptérodactyles faits par Simone et Caleb, les pins blancs et les cèdres enneigés. Un jour, j’ai vu deux geais bleus se poser sur une branche. Ils semblaient nous observer de haut. Peut-être qu’ils suivaient simplement les tuques rouges sur la patinoire ou qu’ils avaient repéré le trésor du haut des airs.

Le parcours du pirate des neiges

Dans mes plus grands rêves de pirates, j’imaginais une glissade pour accoster. Je suis le plus chanceux de la terre ! Oui, car lorsque c’est l’heure de sortir jouer dans la cour, je suis un pirate des neiges qui glisse à vive allure sur la montagne de glace. C’est avec des pas de corsaire que l’on court vers la piste d’hébertisme, vers notre navire, Henri et moi ! On se tient en équilibre sur les poutres de bois. On hisse les voiles en montant sur les cordages. Et en haut, on admire nos archipels avec nos mains qui imitent des longues-vues. On se repose là souvent après une de nos aventures d’écumeurs des mers du Nord. Les jeux de bois sont notre repaire.

Au-delà de la cour

Ici, dans les sentiers de conifères, c’est l’endroit parfait pour lire dans une cachette d’épinette. J’aimerais dire que je suis le meilleur pour me cacher, mais je dois avouer que Corinne a l’œil de pirate hors pair pour se dissimuler. Avec tous les arbres, les petits chemins en vagues et la cabane-tipi, c’est facile de s’imaginer dans un univers magique où les écureuils se réunissent près de notre feu quand on est en classe. Moi, ça me fait rire de penser qu’ils grillent des noisettes en se racontant des histoires drôles d’écureuils volants. C’est souvent le moment où Henri me crie : « Hé ! Ho ! pirato ! T’es dans la lune ! » Je suis un pirate lunatique qui a trouvé son ile au trésor.