La cour de Margot
Dans notre dernière publication, nous avons souhaité faire entrer les lecteurs dans la cour des enfants. Des enseignantes ont pris la plume et se sont mises dans les souliers d’élèves fictifs pour raconter leur arrivée, leurs expériences et leur vision de leur cour d’école. Véronique D’Anjou nous fait découvrir la cour de Margot, une cour ouverte, dans un quartier urbain semi-dense, en automne.
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J’ai mis ma veste préférée ce matin. Celle avec des petits boutons de rose dessinés à l’aquarelle. Mais, surtout, celle avec une déchirure sur le coude que ma voisine a gentiment réparée quand je suis tombée en trottinette. « Deux minutes… », qu’elle m’a dit. Et tadam ! Une veste neuve ! Elle est comme ça, madame Costa, « le cœur sur la main » comme dirait maman.
Je suis Margot et j’habite le duplex là-bas avec l’escalier peint en rouge. J’aime ça, attendre l’autobus au coin de ma rue. C’est comme si j’étais plantée au milieu d’une fourmilière. La ville s’active partout autour de moi pendant que j’observe, tranquille. Ça sent l’humidité des feuilles. Il y a des gens qui parlent seuls dans leur voiture. Plein de cafés dans les mains et d’yeux sur des cellulaires. Des poussettes, des gripettes. Mais, ce matin, je suis éblouie par toutes ces couleurs. Jaune, brun, feu. J’adore l’automne ! Aujourd’hui, j’étais chez maman. Pas besoin de prendre le métro, alors ! J’en profite pour regarder par la fenêtre à bord de l’autobus 32. Ambre, violacé, merveilleux. De toute façon, une fois montée, je compte environ deux chansons à écouter et je sors. Justement, j’arrive.
Marcher et contempler
Je descends toujours un ou deux arrêts avant pour pouvoir marcher plus longtemps. C’est mon moment exploration-contemplation. Il y a juste moi et tout le dehors ! Des feuilles recouvrent presque complètement le sol. Dorées, ocre, enflammées. Ça glisse et c’est amusant. Je pars à la chasse aux feuilles-trésors. Je cherche les plus belles, les plus grandes. Des dentées et des toutes rondes. Je les glisse dans mon sac. Je les ajouterai sur notre murale géante en classe. Madame Audrey, ma professeure, m’a appris à identifier un arbre par la forme de ses feuilles. Érable argenté sous ma semelle. Frêne dans le parc à côté de l’école. Il est fier et tellement beau ! Droit debout malgré l’agrile. Et la semaine passée, pendant la classe extérieure, la maman de Zachary m’a appris que c’est le sucre qui pigmente les feuilles à l’automne. Comme le chocolat qui pimente mes balades bonbon dans le quartier avec mamie gâteau.
Les surprises du grand air
Oh ! Le pédibus est au coin de la rue. Je sprinte pour le rejoindre, saute par-dessus une poubelle tombée et fais sursauter un écureuil dans ma course folle. Je ris dans la buée qui est sortie de ma bouche et je le rattrape avant le jardin collectif de l’école. Juste devant le 7465. « Impair ! », je me dis. Wissem, Charlie et moi décidons de mesurer les courges au jardin. Elles sont tellement grosses ! Une chance que les Béliveau et les Boucetta les ont arrosées cet été ! Ça me rappelle la légende iroquoise des trois sœurs, qu’on a écoutée dehors avant de planter les graines au printemps dernier. Une paruline écoutait aussi du haut de son arbre. Wissem prend des petits bouts de bois par terre et on les casse exactement à la grandeur de chacune des courges. On pourra les montrer lors de la causerie du matin.
La cour aux odeurs de chocolat chaud
C’est ici que je passe quand j’arrive à l’école. C’est aussi un lieu de rassemblement. Près du foyer, on lit ou on écoute des histoires. On déguste parfois des chocolats chauds au retour de l’école dehors. On se réchauffe lors des ateliers de cuisine et de jardinage. On bricole, on apprend, on s’amuse, on se salit. Il y a même des armoires de toutes sortes. Des armoires à saveurs et des armoires à bonheurs avec tout plein de matériel d’exploration et de dégustation. Ha ! Regarde. C’est mes amies et moi qui avons fabriqué la teinture végétale pour colorer nos banquettes. Le jaune vient d’un mélange de pelures d’ognon, de curcuma et de feuilles de bouleau. C’est plutôt bien réussi, non ?
Apprendre dehors
Je suis imbattable aux jeux de balle au mur. Choisis celui que tu veux, tu vas voir ! Je me déplace comme l’éclair à la balle-rebond et je te la renvoie plus vite que la vitesse du son. J’étais aux anges quand nous y avons pratiqué nos multiplications. Mon enseignante avait inscrit un nombre dans chaque cercle. J’adore ça quand on apprend en jouant. C’était génial !
Parfois, après le souper, on revient dans la cour avec mes grands frères. On retrouve souvent des amis et des voisins. On se pratique, c’est pour ça que je suis super bonne. Parfois, ma mère vient avec nous et on joue au basketball. Elle en a fait beaucoup quand elle était plus jeune. À chaque fois qu’elle vise, elle marque un panier. Ça énerve un peu mes frères, mais moi, je suis fière d’elle.
Sous le préau
Savais-tu que préau, ça rime avec allo parce que c’est l’entrée de mon école et avec joyaux parce que chaque classe a son bac d’objets précieux récoltés ici et là ? Et si tu remplaces le u par un s, tu peux former le mot repas. Et c’est exactement ce que notre coin jardinage nous permet de faire ! Des parents viennent même souvent nous expliquer la botanique et l’entretien des bacs.
Avec monsieur Martin, la semaine dernière, on a fermé le coin jardin pour l’hiver. Mais le printemps n’est pas bien loin dans nos cœurs : on a commencé à discuter de nos plantations pour l’an prochain et la nouveauté, c’est qu’on plantera des melons ! Imagine ça : un gaspacho melon-tomates… Miam ! J’ai déjà hâte d’y gouter !